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Conférence de presse : Partenariat pour la mobilité UE-MAROC

Conférence de presse 06/06/2013 – Partenariat pour la mobilité UE-MAROC – GADEM

Le 7 juin 2013, le Maroc s’apprête à signer avec  l’Union européenne une « déclaration commune sur un partenariat pour la mobilité ». Cette signature devrait avoir lieu à Luxembourg en marge du Conseil JAI (justice affaire intérieure) (à noter que ce point ne figure pas dans la partie « en marge du conseil » de l’ODJ sur internet : http://www.consilium.europa.eu/press/council-meetings?lang=fr

 

Depuis 2002, l’Union européenne tente d’imposer au Maroc la signature d’un accord de réadmission qui comprendrait la réadmission des ressortissants marocains en situation irrégulière en Europe ainsi que celle de tout étranger ayant transité par le Maroc avant de parvenir sur le sol européen. Les accords de réadmission sont un des instruments centraux de la politique migratoire de l’UE. Les négociations entre l’UE et les différents pays se réalisent en général dans l’opacité la plus totale.

 

A ce jour, le Maroc s’est toujours opposé à la signature de cet accord dans lequel il ne trouve aucun intérêt et a résisté aux pressions européennes.

 

Ces accords ne comportent en eux-mêmes aucun intérêt par les pays concernés et ne répondent qu’aux intérêts européens, ce qui engendre des négociations proches du « chantage » pour convaincre les Etats de signer. Le chantage à la facilitation de visa et/ou des possibilités de « migrations légales » est un argument clé de l’UE dans ses négociations avec les pays tiers sur la signature d’accords de réadmission, bien qu’en réalité ces possibilités sont souvent très réduites et sont loin de compenser la charge de la réadmission en particulier lorsqu’elle concerne les ressortissants des pays tiers[1]

 

En mars 2006 déjà, le commissaire européen Franco Frattini ne s’en cachait pas en déclarant devant le Sénat français : « La négociation d’accords de réadmission n’est pas chose aisée. (…) La principale raison de leur lenteur est que, bien que ces accords soient en théorie réciproques, il est clair qu’en pratique ils servent essentiellement les intérêts de la Communauté [européenne]. Tel est notamment le cas des dispositions relatives à la réadmission de ressortissants de pays tiers et d’apatrides – condition sine qua non de tous nos accords de réadmission, mais qui est très difficile à accepter par les pays tiers. La bonne fin des négociations dépend donc beaucoup des « leviers », ou devrais-je dire des « carottes » dont la Commission dispose, c’est-à-dire d’incitations suffisamment puissantes pour obtenir la coopération du pays tiers concernés ».

 

Réitéré dans le Pacte européen sur l’asile adopté par le Conseil européen le 16 octobre 2008, la signature des accords de réadmission fait aujourd’hui parti de l’Approche globale de la question des migrations et de la mobilité, adopté par la commission européenne en juillet 2011. Cette approche est mise en œuvre à travers la conclusion de partenariat pour la mobilité, avec différents pays dont le Maroc.

 

En échange de la conclusion d’accords de réadmission mais également d’accords de coopération autour du renforcement du contrôle aux frontières, incluant une plus grande coopération avec les agences européennes comme FRONTEX (l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures), ce partenariat prévoit la facilitation des procédures de visas, la migration de travail, le renforcement de capacités en matière d’asile, et des mesure favorisant l’intégration des nationaux dans les pays d’accueil en Europe ainsi que des mesures pour la réintégration de ceux de retours volontaires.

 

Toutefois, le bénéfice de la facilitation des visas reste conditionné et hypothétique : ce n’est pas une mesure automatique, ni permanente. Selon le document sur l’approche globale des migrations et de la mobilité « l’UE pourrait envisager, au cas par cas et en tenant compte de la relation globale avec le pays concerné, de prendre des mesures conditionnelles conduisant progressivement à la libéralisation du régime des visas pour le pays en question », « pour autant que les instruments juridiques (accords en matière dassouplissement des formalités doctroi des visas et de réadmission) et politiques (dialogue sur les politiques à mener et plans daction) soient mis en œuvre de façon efficace »[2].

 

Quant à la migration de travail, elle est envisagée uniquement dans l’intérêt de l’UE. Selon le même document : « le but des migrations et de la mobilité est de contribuer à la vitalité et à la compétitivité de l’Union. Garantir l’existence d’une main d’œuvre adaptable possédant les qualifications requises et capable de faire face avec succès à l’évolution constante de la démographie et de l’économie est une priorité stratégique pour l’Europe ».

 

Enfin, il est inadmissible que l’UE envisage de signer un accord de réadmission au moment même où au Maroc, la violation des droits des étrangers, migrants et réfugiés, atteint un niveau sans précédent. Alors qu’elle met en avant la nécessaire collaboration en matière de protection des droits des réfugiés et des migrants, la négociation et la signature d’un tel accord constitue en fait un encouragement de l’UE au Maroc pour continuer à assurer la protection de la frontière sud de l’Europe au mépris des droits fondamentaux des migrants. Il est significatif que dans le document de travail de la Commission sur les progrès réalisés en 2012 sur la mise en œuvre de la PEV au Maroc, la question du respect des droits des réfugiés soit effleurée dans la partie « coopération en matière de justice et de sécurité », avec la lutte contre le trafic de drogue ou le terrorisme, et non dans la partie « respect des droits de l’homme ».

 

Cette approche globale des migrations et de la mobilité réitère en fait les précédentes approches de l’UE. Malgré le renouvellement des termes, ce sont toujours les mêmes conditionnalités et un dialogue à sens unique entre l’UE et ses voisins du Sud.

 

Le refus du Maroc de signer cet accord ne serait pas une catastrophe. Le document sur l’approche globale des migrations et de la mobilité de la Commission de l’UE prévoit même une alternative pour les pays qui ne seraient pas prêts « à assumer l’ensemble des obligations et des engagements » : c’est le programme commun pour les migrations et la mobilité, qui fixe des recommandations et des objectifs en matière de coopération pour les deux parties mais n’implique pas nécessairement la négociation d’accords en matière d’assouplissement des formalités de visas et de réadmission et reste non contraignant sur le plan formel.


 

[1]              L’UE propose par exemple des « partenariats pour la mobilité et les migrations circulaires », où en échange de la signature d’un accord de réadmission et/ou du renforcement du contrôle des migrations, des possibilités « de migrations légales » sont « offertes », c’est le cas de deux projets pilotes en cours avec la Georgie et le Cap-Vert.

[2]              « Approche globale de la question des migrations et de la mobilité », SEC(2011)1353 final

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