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Au Maroc, des militants se battent pour identifier les migrants morts et leur donner une sépulture

16.08.2022  Au Maroc, des militants se battent pour identifier les migrants morts et leur donner une sépulture

Victimes d’épuisement, de violences ou de maladies, chaque année, de nombreux migrants trouvent la mort alors qu’ils tentent de rallier l’Europe. Au Maroc, plaque tournante de l’immigration clandestine vers l’Espagne, une association se bat pour identifier les migrants morts et leur organiser un enterrement digne.

 

La frontière algéro-marocaine est un l’un des points de passage empruntés clandestinement par les migrants subsahariens qui tentent de rallier l’Europe. Tout au long de cette frontière, et sur une distance de 500 kilomètres allant de Saïdia, au nord du Maroc, jusqu’à Figuig, au sud, il n’est pas rare que des migrants soient retrouvés morts.

 

« La grande majorité des familles n’ont pas les moyens de rapatrier leurs proches »

 

Identifier, informer les familles, organiser des obsèques : c’est ce que fait régulièrement Hassan Ammari, président de l’association Aide des migrants en situation vulnérable à Oujda, ville située au nord-est du Maroc, non loin de la frontière avec l’Algérie.

 

Il s’efforce depuis cinq ans de rendre à ces migrants, souvent morts dans l’indifférence, leur dignité d’êtres humains.

 

 » Les décès sont le plus souvent signalés à l’association par la gendarmerie marocaine, des habitants, des migrants, ou encore des activistes. La plupart meurent d’épuisement, de la méningite, parfois on retrouve des traces de violences sur leurs corps.

 

Dès qu’on reçoit l’information, on organise une réunion avec les communautés de migrants avec laquelle on est en contact, des Maliens, des Congolais, des Soudanais, des Nigériens, entre autres. On leur demande s’ils connaissent la personne et de relayer des photos d’elle.

 

Une fois la personne identifiée, on annonce la nouvelle à sa famille et on lui demande soit de rapatrier le défunt, soit de faire une procuration à l’association pour qu’elle puisse l’enterrer. La grande majorité des familles n’ont pas les moyens de rapatrier leurs proches, alors ils nous disent de les enterrer sur place. » 

 

Deux Soudanais retrouvés morts

 

 » Samedi 13 août, l’association a organisé les obsèques d’un Soudanais de 27 ans. Il a été  retrouvé mort le 19 juin dans la région de Jerada, à une cinquantaine de kilomètres au sud d’Oujda, près de la frontière algérienne.

 

Il s’appelait Khamis Abdourahman Issa, il a été trouvé avec le cadavre d’un autre migrant, probablement un Soudanais, mais on n’est pas encore parvenu à établir l’identité.

 

Selon le rapport d’autopsie, Khamis est mort d’un arrêt cardiaque. On a pu entrer en contact avec son frère qui nous a autorisés à organiser ses obsèques. « 

 

 

La dépouille de Khamis Abdourahman Issa, transportée vers une mosquée à Oujda, où sera accomplie la prière en sa mémoire. Vidéo transmise par notre Observateur samedi 13 août. 

 

 » On a effectué une collecte auprès de la population pour organiser les obsèques. Il faut savoir que les obsèques d’un migrant musulman coûtent 150 à 250 euros, tandis que celles d’un migrant chrétien s’élèvent à 350 euros, voire 450 euros. Car pour l’enterrement des chrétiens, il faut acheter un cercueil, ce qui n’est pas le cas des musulmans qui sont mis directement en terre. « 

 

On travaille avec des moyens très restreints, essentiellement des collectes auprès des citoyens. On refuse des financements d’États ou d’ONG car on veut préserver notre indépendance.

 

Procession funèbre pour l’enterrement de Khamis Abdourahman Issa avec la présence d’un groupe de migrants. Vidéo transmise par notre Observateur samedi 13 août.

 

 

« On n’a jamais enterré un migrant sous X »

 

 » On met un point d’honneur à informer les familles des migrants défunts de toutes les étapes de l’enterrement. On tourne des vidéos live sur Facebook pour qu’elles puissent suivre tout le déroulement. 

 

On considère qu’il est fondamental d’identifier les personnes avant de les enterrer. Au niveau de l’association, on n’a jamais enterré un migrant sous X, parce que l’on considère que c’est un être humain et qu’il a le droit d’être enterré sous son vrai nom. On s’assure que les migrants décédés aient les mêmes obsèques que n’importe quel Marocain.  

 

De nombreux migrants ne sont pas identifiés malgré les efforts des activistes. En général, au bout de quatre ou cinq mois, un tribunal décide de les faire enterrer sous X afin de libérer de la place dans les morgues. Mais avant, les autorités prélèvent leur ADN qu’elle stocke dans une banque de données. 

 

Ces cinq dernières années, on est parvenus à identifier et enterrer 49 personnes. Depuis le début du Covid-19, on a enterré 11 personnes. Pendant le confinement, nos activités étaient réduites en raison des restrictions sanitaires. À Oujda, neuf corps sont actuellement dans la morgue, et on espère arriver à les identifier.  » 

 

Selon notre Observateur, il n’existe pas de statistiques recensant les migrants décédés au Maroc.

 

Le 24 juin, au moins 23 migrants ont trouvé la mort au cours de la répression d’une tentative de franchissement de l’enclave espagnole de Melilla, dans le nord-est du Maroc. Il s’agit du bilan le plus lourd enregistré au cours d’une seule journée en 2022.

 

Depuis 2014, plus de 4 000 décès ont été enregistrés chaque année sur les routes migratoires dans le monde, selon le portail sur les données migratoires. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) de son côté a comptabilisé 1 600 décès par année.

 

Source : https://observers.france24.com/fr/afrique/20220816-maroc-video-migrant-mort-enterrement

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Tags : Lutte contre migrations irrégulières/traite Migrations Migrations africaines