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Ceuta : la CEDH rejette la plainte du migrant sénégalais pris en photo avec une humanitaire

07.06.2023  Ceuta : la CEDH rejette la plainte du migrant sénégalais pris en photo avec une humanitaire

La Cour européenne des droits de l’Homme a rejeté la plainte d’Abdou, un exilé sénégalais qui contestait son expulsion vers le Maroc seulement quelques heures après son arrivée chaotique à Ceuta, en Espagne. Un cliché du jeune homme, en larmes, dans les bras d’une bénévole de la Croix-Rouge espagnole avait fait le tour du monde.

 

L’image était devenue virale : celle d’un jeune migrant, vraisemblablement épuisé et en détresse, dans les bras d’une volontaire de la Croix-Rouge sur une plage de Ceuta, en Espagne. Deux ans après les faits, sa plainte pour expulsion illégale vers le Maroc, déposée par la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR), a été rejetée mardi 6 juin par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

 

En mai 2021, Abdou, originaire du Sénégal, avait gagné à la nage l’enclave espagnole après une dangereuse traversée. Le jeune homme de 27 ans avait fondu en larmes en voyant que son frère, avec qui il avait fait le voyage, était inconscient sur la plage d’El Tarajal. C’est à ce moment-là que Luna Reyes lui était venu en aide. « Il pleurait, j’ai tendu la main et il m’a serrée dans ses bras », avait-elle raconté à la presse espagnole.

 

« Je ne pourrai jamais oublier son geste », qui « m’a réconforté et m’a aidé » avait déclaré quant à lui Abdou à la RTVE. « C’était un geste humain ».

 

 

Quelques heures seulement après son arrivée, le jeune homme avait finalement été renvoyé au Maroc par les autorités espagnoles, sans même pouvoir déposer une demande d’asile, ni bénéficier sur place d’un avocat ou d’un interprète, précise l’agence de presse espagnole EFE. Des pratiques illégales au regard de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui interdit l’expulsion collective d’étrangers, précise le CEAR dans sa plainte.

 

Les 17 et 18 mai 2021, près de 10 000 migrants avaient tenté d’atteindre, comme Abdou, ce territoire espagnol, seule frontière terrestre de l’Union européenne avec le continent africain. Un autre cliché pris durant cette tentative avait lui aussi suscité une grande vague d’émotion. On y voyait un adolescent marocain en pleurs, en pleine mer, soutenu par des bouteilles en plastique en guise de bouées.

 

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Après le rejet de son recours par la CEDH, Abdou s’est dit « déçu », a rapporté la coordinatrice du CEAR, Elena Muñoz. D’autant plus que la décision de la Cour est irrévocable : le Sénégalais ne pourra pas faire faire appel.

 

L’Espagne coutumière des « renvois à chaud »

 

L’impossibilité « en pratique » de demander l’asile ou un visa, même si elle existe « sur le papier », conduit de nombreux migrants à tenter de rejoindre l’Union européenne par d’autres voies « plus compliquées », a défendu Elena Muñoz. Régulièrement, des groupes d’exilés tentent de franchir les hautes clôtures et le bras de mer qui séparent Ceuta et Melilla – seconde enclave espagnole en Afrique du nord – du Maroc, au péril de leur vie. En septembre 2021, un jeune Marocain s’est noyé au large de la plage de Tarajal, en tentant de rallier l’Espagne.

 

À chaque tentative, la plupart des candidats à l’exil sont renvoyés manu militari au Maroc par les autorités espagnoles. Cette procédure d’expulsion, connue sous le nom de « renvois à chaud » (« devoluciones en caliente ») est très critiquée par les ONG et des experts de l’ONU, qui la jugent contraire à la législation européenne sur les droits de l’Homme. À rebours, donc, de la CEDH, qui en 2020 avait déjà débouté deux hommes ayant escaladé la clôture de Melilla en 2014.

 

Selon la décision du tribunal, les deux exilés « se sont mis eux-mêmes dans une situation d’illégalité lorsqu’ils ont délibérément tenté d’entrer en Espagne en franchissant le dispositif de protection de la frontière de Melilla, à des endroits non autorisés et au sein d’un groupe nombreux, en profitant de l’effet de masse et en recourant à la force. Ils ont par conséquent décidé de ne pas utiliser les voies légales existantes permettant d’accéder de manière régulière au territoire espagnol. »

 

Pour de nombreux experts juridiques, cette décision de la CEDH a définitivement donné carte blanche aux autorités espagnoles qui pratiquent les « renvois à chaud » depuis 2005 dans les deux enclaves.

 

> À (re)lire : Les « renvois à chaud » à Melilla et Ceuta, une pratique légale ?

 

En novembre 2022, pourtant, une autre institution européenne avait dénoncé ces pratiques. Après une visite en Espagne, la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Dunja Mijatovic s’était étonnée que le seul moyen d’entrer à Melilla et d’y obtenir une protection se fasse « en nageant » ou « en sautant la clôture » qui la sépare du Maroc. À l’issue d’une visite en Espagne, cette dernière avait souligné l’absence « d’accès véritable et effectif à l’asile » entre la ville marocaine de Nador et Melilla.

 

Malgré la « porte fermée » de la CEDH, Abdou, quant à lui toujours au Maroc, n’entend pas renoncer. D’après le CEAR, il compte toujours rejoindre l’Europe.

 

Sourcehttps://www.infomigrants.net/fr/post/49480/ceuta–la-cedh-rejette-la-plainte-du-migrant-senegalais-pris-en-photo-avec-une-humanitaire

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Tags : Lutte contre migrations irrégulières/traite