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En Bosnie-Herzégovine, l’enfer des migrants après l’incendie de leur camp

06.01.2021   En Bosnie-Herzégovine, l’enfer des migrants après l’incendie de leur camp

 

Près d’un millier de personnes vivent depuis fin décembre dans le plus grand dénuement, par un temps glacial. Sur fond d’opposition locale, et malgré l’aide européenne, aucune solution d’urgence n’a pour l’heure été trouvée.

 

 

Installer des tentes dépourvues de toutes commodités, voici la solution de fortune proposée par l’armée bosnienne pour mettre fin à une errance de deux semaines. 900 hommes âgés de 19 à 60 ans, venus d’Afghanistan, du Pakistan ou du Bangladesh, se sont retrouvés sans toit, et même sans rien du tout, depuis que le camp de Lipa a été ravagé par un incendie volontaire, le 23 décembre. Complètement vides, ces tentes sont situées à 22 kilomètres de la ville la plus proche, Bihac.

 

1 500 migrants ont réussi à trouver refuge dans des squats alentours, maigres abris face aux températures glaciales qui frappent le canton d’Una Sana, situé dans le nord du pays, à proximité de la frontière croate. «Comment survivent-ils ? Dieu seul le sait. En ce moment, ils se lavent dans la rivière, chargent leurs téléphones dans des stations-service, ou dans des magasins si on les laisse. Jusqu’à présent, la Croix Rouge de Bihac leur a apporté de la nourriture, des vêtements, des sacs de couchage et autres couvertures», raconte à Libération Lejla Smajic, directrice du développement et de la planification stratégique d’Emmaüs.

 

Veto des autorités locales

 

Le camp de Lipa, bâti à la hâte dans un contexte d’épidémie sanitaire, devait fermer, faute d’offrir des conditions d’accueil acceptables en plein hiver. Mais aucune solution alternative n’a été trouvée. «La seule option, c’est d’ouvrir les centres d’hébergement de Bira et de Ciljuge. Ces camps sont prêts à l’emploi, et permettraient aux 2 400 personnes qui sont dehors ou dans des squats d’être logés. Mais je suis pessimiste», explique Peter van der Auweraert, coordinateur de l’agence onusienne OIM (Organisation Internationale des Migrations) en Bosnie-Herzégovine.

 

Malgré la bonne volonté du Conseil des ministres bosnien, qui a autorisé à deux reprises l’ouverture de ces camps, les 21 et 31 décembre, le gouverneur d’Una Sana s’y oppose fermement. Officiellement, parce que la population y est réticente. «Le gouvernement de Bihac ne veut pas de migrants près des écoles, des mosquées ou des églises. Ils disent avoir connu quelques incidents», poursuit Lejla Smajic. Les autorités locales invoquent un «fardeau» qu’elles estiment être les seules à porter.

 

Un discours jugé incompréhensible par l’Union européenne : «C’est l’attitude typique des Bosniens : ne régler aucun problème, ne pas gérer leurs relations internes, et demander des financements pour tout. C’est vraiment fatigant, et je pense que la patience de l’Union européenne atteint sa limite», confie à Libération un officiel proche du dossier. Cette même source balaie les accusations du pays : «Tout le problème repose sur les gouverneurs du canton d’Una Sana. En plus, ils remettent la faute sur la population. Mais nous les aidons, nous payons pour des solutions d’hébergement.»

 

Une aide financière et logistique européenne

 

L’UE s’est de fait alarmée de la situation, et n’a cessé d’apporter une aide financière, insiste Peter Stano, porte-parole de la Commission européenne : «Depuis 2018, l’Union européenne a dépensé pas moins de 89 millions d’euros pour soutenir la Bosnie-Herzégovine dans sa gestion des flux de migrants, ce qui inclut 75,2 millions d’euros d’instrument de pré-adhésion, et 13,8 millions d’euros d’assistance humanitaire.» Et dimanche, 3,5 millions d’euros supplémentaires ont été débloqués pour apporter un soutien d’urgence, ainsi qu’un million d’euros via l’ambassade d’Autriche. «On a suffisamment d’argent pour héberger les 2 500 personnes dans le pays, et ce depuis longtemps. Le problème n’a jamais été une question d’argent. L’Union européenne fournit, en plus, une assistance humanitaire, logistique et opérationnelle», renchérit Peter van der Auweraert.

 

Dans un communiqué, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a exhorté les autorités locales à «mettre à disposition leurs structures existantes disponibles et fournir une solution temporaire en attendant que le camp Lipa soit reconstruit», dénonçant une situation «inacceptable»«Un hébergement adapté à l’hiver est indispensable pour des conditions de vie humaines», a-t-il insisté.

 

Depuis 2018, environ 70 000 migrants sont passés par les routes de Bosnie-Herzégovine. Mais peu restent sur le territoire, essayant plutôt de rejoindre la France, l’Italie ou l’Allemagne. Au total, 8 500 personnes se trouvent en situation irrégulière, dont 6 000 dans des centres d’hébergement. «On ne parle pas d’un scénario comparable à ceux de la Jordanie ou du Liban, rappelle Peter van der Auweraert, la situation est tout à fait gérable, de surcroît avec toute l’aide humanitaire dont le pays dispose. Nous ne devrions pas connaître pareille réalité.» Tous les efforts de l’Union européenne se concentrent néanmoins sur des dispositifs d’urgence ou temporaires. Aucune solution durable n’a été envisagée pour accueillir ces migrants sur le long terme.

 

Source: www.liberation.fr/planete/2021/01/06/en-bosnie-herzegovine-l-enfer-des-migrants-apres-l-incendie-de-leur-camp_1810462

 

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Tags : Bosnie Migrations internationales Presse Internationale Route des Balkans