Appelez nous : +212 (0)537-770-332

Fugue ou enlèvement d’une mineure ? Réseaux sociaux et autres journaleux désespérément inquisiteurs

17.05.2022  Fugue ou enlèvement d’une mineure ? Réseaux sociaux et autres journaleux désespérément inquisiteurs

Déchaînement sur fond de haine et de xénophobie

 

De nouveau, le vivre ensemble et la cohabitation entre migrants en situation irrégulière et certaines franges de la population casablancaise sont remis en cause. En cause, le kidnapping d’une fille de 13 ans par soi-disant une bande de migrants subsahariens. Les faits remontent à jeudi dernier, lorsqu’une plainte a été déposée par un jeune de 17 ans, se disant victime d’un vol de la part de ressortissants subsahariens et affirmant qu’une adolescente en sa compagnie a été enlevée par ces derniers dans un cimetière à Casablanca.

 

L’information s’est vite diffusée sur les réseaux sociaux et un hashtag #Sauver Fatima Zahara a été lancé. Pour les internautes et certains médias, les migrants subsahariens en sont coupables, et ce sans attendre les résultats de l’enquête menée par les services de la police et sans respect du principe de la présomption d’innocence. Pis, ils estiment que ces migrants ne sont pas à «leur premier crime du genre et qu’ils ont l’habitude de kidnapper, violer voire tuer les filles sans en être inquiétés». Certains internautes sont allés plus loin. Ils évoquent un certain «complot concocté contre la race blanche au Maroc afin d’instaurer la domination des «noirs». Ce complot est mené, selon ces internautes, par des «gauchistes occidentaux qui font la promotion des mariages mixtes entre des Marocaines et des migrants subsahariens et qui passent sous silence les crimes commis par ces derniers».

 

Pour d’autres, ces Subsahariens constituent une vraie menace pour la sécurité et la sûreté des Marocains et doivent être «expulsés». Un hashtag appelant à «l’expulsion de ces migrants irréguliers» a même été lancé sur Tiwtter. Ses instigateurs appellent également à une révision totale de la loi concernant la migration au Maroc. Pourtant, quelques jours plus tard et grâce à une enquête menée par la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), la jeune fille disparue a été retrouvée à Casablanca, dans les environs de la gare routière d’Oulad Ziane. Selon un communiqué de la DGSN, la fille a été pendant les quatre jours de sa disparition à Marrakech avec l’un des courtiers de la gare routière.
 
La même source a indiqué que ce courtier a été mis en détention pour tromperie d’un mineur. Quant au jeune plaignant, il a été placé sous surveillance, sur instructions du parquet général. Et dans l’attente que l’enquête de la DGSN fasse la lumière sur l’implication présumée des migrants irréguliers dans le vol et la supposée agression de la jeune fille, une question s’impose avec acuité : Comment peut-on expliquer ce déferlement des propos racistes et xénophobes sur les réseaux sociaux à l’égard des migrants irréguliers ?

 

Selon certains spécialistes de la question, les dérives discriminatoires et xénophobes sont monnaie courante sur les réseaux sociaux dont Facebook et YouTube où les propos «racistes», anonymes ou assumés, envers les Subsahariens en situation administrative tant régulière qu’irrégulière sont librement diffusés et relayés. Les mêmes spécialistes indiquent que sur ces réseaux, les migrants sont régulièrement associés à l’insécurité et la criminalité tout en précisant que l’immigrant subsaharien est souvent présenté comme «dangereux», «sale», «propagateur de maladies» et «trafiquant de drogue».

 

Les termes «occupation» et «attaque» sont souvent usités. Parfois, on évoque même des projets de morcellement du Maroc et de création d’une république de Subsahariens. Ces raccourcis s’appuient souvent sur de fausses informations illustrées par des images ou des vidéos manipulées, et qui sont massivement partagées par les internautes. Toutefois, il faut préciser, soulignent les spécialistes, que les sorties médiatiques discriminatoires, xénophobes et, dans certaines mesures racistes, sont limitées dans le temps et dans l’espace.

 

En fait, il s’agit d’un phénomène purement récent lié à des événements particuliers. Tel est le cas de l’assassinat du gardien d’un marché de Fès, des événements survenus au quartier Boukhalef de Tanger ou des derniers incidents ayant éclaté à la gare routière d’Oulad Zyane à Casablanca. Et souvent, expliquent les experts, ces posts Facebook et ces vidéos diffusées sur YouTube sont le fait de personnes anonymes ou autoproclamées journalistes avides de notoriété ou en recherche de visibilité pour leurs pages Facebook.

 

Mais, il ne s’agit nullement de journalistes professionnels, d’éditorialistes, de commentateurs ou de chroniqueurs connus. Pour les spécialistes, les vidéos et articles diffusés sur les réseaux sociaux se sont affranchis des filtres et des prismes des grands médias. Les réseaux sociaux autorisent une liberté de parole qui échappe à la déontologie et à l’éthique journalistique. Les frontières entre information et rumeurs y sont perméables et l’autocensure y tient fort peu de place. Pourtant, concluent ces experts, ces pages Facebook et ces chaînes YouTube ont peu d’audience et la fréquence des publications y est irrégulière. En fait, elles ont plus de difficulté à attirer l’attention dans un contexte médiatique marqué par la circulation intense et rapide de l’information.

 

 

image_pdf
Tags : Discrimination Migrations africaines