Appelez nous : +212 (0)537-770-332

Maroc : un corps retrouvé après le démantèlement d’un camp, à Casablanca

20.02.2024  Maroc : un corps retrouvé après le démantèlement d’un camp, à Casablanca

Un cadavre « probablement celui d’un migrant » a été découvert après la destruction d’un lieu de vie informel à Casablanca, où vivaient plusieurs centaines d’exilés subsahariens. Tous ont été expulsés vers le sud et l’est du Maroc, d’après l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

 

 

Un corps calciné, « probablement celui d’un migrant », a été retrouvé au milieu des décombres de ce qui était encore quelques heures auparavant, un camp de migrants. Il a été transféré à la morgue pour autopsie, sur instruction du ministère public. « Une information judiciaire a été ouverte par les services de sécurité pour identifier l’identité du défunt, connaître les circonstances de l’incident, ainsi que déterminer les responsabilités », ont indiqué les autorités au quotidien Assabah.

 

Quelques heures plus tôt, à l’aube, 4 000 policiers, gendarmes ou encore membres de la force anti-émeutes ont procédé au démantèlement de ce lieu de vie informel, situé à côté de la gare routière d’Ouled Ziyan, à Casablanca. Les bâches et sacs poubelles érigées en tentes ont fait place à ce qui s’apparente désormais à un vaste terrain vague. Sur une photo postée lundi 19 février par l’Association marocaine des droits humains (AMDH), quelques morceaux de bois calcinés sont encore visibles.

 

D’après « des sources officielles » citées par Assabah, ces feux ont été allumés par les exilés eux-mêmes en guise de protestation. Une version contredite par le témoignage de Nabil, un exilé soudanais de 23 ans présent lors du démantèlement. « Ce sont les autorités qui ont mis le feu au camp ; elles font cela depuis des années. Pourquoi est-ce qu’on brûlerait nos affaires ? », a-t-il réagi auprès de The New Arab, encore vêtu de son pyjama.

 

Ce jour-là, des centaines d’exilés n’ont pas eu le choix, encadrés par les véhicules des forces de l’ordre, que de grimper dans « la trentaine de cars » affrétés pour eux, indique l’AMDH. Selon elle, ces véhicules ont pris la direction du sud et de la frontière est du Maroc, « dans des conditions difficiles ». Une centaine de personnes ont par ailleurs été arrêtées.

 

« Ici, c’est la galère »

 

En six ans, ce camp a abrité près de 1 400 exilés, indique l’AMDH. Les personnes originaires d’Afrique de l’Ouest se sont réfugiées là, « à côté d’une station de tramway inachevée ». Quelques « Africains de l’Est, principalement originaires du Soudan, s’abritent, eux, dans une école abandonnée à proximité ». Pour l’ONG, cette situation a été « indirectement créée par les autorités marocaines qui refoulent les migrants arrêtés au nord » du pays.

 

Le Maroc est depuis des années un pays de transit pour les candidats subsahariens à l’exil qui souhaitent gagner l’Europe. Mais depuis le renforcement des contrôles aux frontières du pays – les forces marocaines ont arrêté l’an dernier environ 87 000 migrants en partance vers l’Europe, contre un peu plus de 70 000 en 2022 – beaucoup d’exilés sont refoulés vers le sud et le centre du territoire, notamment à Beni Mellal.

 

Et pour monter de nouveau vers le nord, les migrants rejoignent d’abord Casablanca. La ville ne disposant d’aucune structure d’accueil pour les exilés, ces derniers tentent donc de survivre dans des lieux de vie improvisés, comme celui d’Ouled Ziyan.

 

Les tentes de fortunes installées par les migrants subsahariens de la Route d’Ouled Ziyane sur le périphérique de Casablanca. Crédit : Nadia Ben Mahfoudah/RFI

Réputé insalubre, le camp est régulièrement détruit pas les autorités. Et se reconstruit presque aussitôt, les candidats à l’exil n’ayant pas de solution de repli.

 

« Ici, c’est la galère, il fait trop froid, témoignait en février 2023 Ousmane, un Malien de 19 ans au micro de RFI. Même avec les couvertures, ça ne va pas. Je ne dors pas, même la nuit ». Le jeune homme déplorait aussi ne pas pouvoir se laver, « parfois pendant 2 mois », car aucune infrastructure sanitaire n’existe à proximité. Le harcèlement des policiers sur place, lui, est quotidien. « Ils ramassent notre matériel, ce que l’on mange. Ils nous chassent », pestait Aboubacar, un exilé burkinabé.

 

En février 2023, des échauffourées ont éclaté avec la police durant un énième démantèlement. Six migrants ont écopé de deux ans de prison ferme et d’une amende de 60 000 dirhams (environ 5 000 euros) pour « insulte et agression à l’encontre de fonctionnaires, destruction de biens publics et migration illégale ».

 

Une prostitution « considérable »

 

Pour ces migrants bloqués au Maroc, difficile d’abandonner leurs rêves d’Europe pour construire leur vie dans le royaume. Si depuis quelques années, Rabat mène une politique d’intégration des réfugiés statutaires, pour tous les autres exilés, accéder à un travail, avoir un toit, et obtenir des papiers est une gageure. En décembre 2022, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a d’ailleurs pointé du doigt dans un communiqué « le manque d’opportunités au Maroc, notamment au niveau socio-économique » et « les difficultés à s’y intégrer ».

 

A LIRE AUSSI
« Malgré tous mes efforts, je suis toujours un migrant » : les sans-papiers, angle mort de la politique marocaine

 

Ces obstacles fragilisent d’autant plus les exilées. Selon Aida Kheireddine, chercheuse marocaine et experte en genre et migration, les femmes ayant un emploi instable « sont exposées à différents types de violence, en premier lieu sexuelle », explique-t-elle à Deutsche Welle. D’après Daniel Nourissat, prêtre à Rabat engagé dans la cause des migrants au Maroc et rencontré par InfoMigrants en mai 2022, dans le pays, « la prostitution des femmes migrantes, souvent des mères célibataires », est même « considérable ».

 

Sara, elle, a quitté la Côte d’Ivoire pour Mohammedia, près de Casablanca, en 2020. « Pour manger et m’habiller, je fais la manche, et je fais parfois des ménages ‘au noir’ dans des bureaux », décrivait-elle en mai 2022. Dans l’attente d’une décision du (HCR) concernant sa demande d’asile, la jeune femme était complètement découragée. « En attendant une réponse du HCR, je ne peux rien faire. Même suivre une formation, c’est impossible car on me demande un titre de séjour. Pourtant j’ai besoin de travailler pour survivre. Chaque jour, je cherche, je cherche, sans succès. Je n’en peux plus de tout ça. »

 

Sourcehttps://www.infomigrants.net/fr/post/55326/maroc–un-corps-retrouve-apres-le-demantelement-dun-camp-a-casablanca

image_pdf
Tags : Arrestation/Déplacements forcés Lutte contre migrations irrégulières/traite Migrations africaines