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Mauvais élève ? Le Maroc mis au ban(c) des visas !

La France baisse de manière draconienne le nombre de visas accordés aux ressortissant·e·s du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie

Communiqué de presse – 1er octobre 2021 

 

Les menaces de la France, qui avaient déjà été brandies fin 2020 en lien avec les expulsions de personnes soupçonnées de radicalisation, puis le 9 juin 2021 au cours d’une réunion exceptionnelle organisée à l’Élysée par Emmanuel Macron, ont été finalement mises à exécution, comme l’a déclaré officiellement Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement français, le 28 septembre dernier : la France a décidé de réduire de 50% les visas octroyés au Maroc. L’Algérie subira le même sort, quant à la Tunisie, il s’agira d’une baisse de 30%. 

 

Mais qu’est devenu ce « partenaire d’exception » ? Qu’en est-il de cette « coopération modèle » entre le Maroc et la France et du dialogue « fondé sur le respect mutuel »  ? Qu’a donc fait le Maroc pour se faire ainsi taper sur les doigts ? Il aurait refusé la délivrance d’un trop grand nombre de laissez-passer consulaires, document obligatoire en vue de leur expulsion.

 

Si cette annonce a été un choc de par la violence des termes employés, les mesures décidées par la France vont dans le sens d’une logique déjà en place depuis quelques années. En effet, officiellement depuis 2017, la France vise à « optimiser » les procédures et la coopération avec le Maroc dans ce domaine et notamment, dans l’identification de ses ressortissant·e·s, y compris mineur·e·s, et la délivrance des laissez-passer. Et pour ce faire, tout devient permis. 

 

On ne compte plus les pressions exercées sur les États tiers dits « pays partenaires » pour aboutir à la réadmission de leurs ressortissant·e·s. Que ce soit dans le cadre d’une coopération bilatérale ou plus largement, avec l’Union européenne, cette logique apparaît à tous les niveaux. Le Partenariat pour la mobilité signé en juin 2013 par le Maroc, l’Union européenne et 9 États membres, dont la France, en est un bon exemple : des discussions sur la facilitation des visas constituaient, dans ce cadre, la contrepartie de l’ouverture de négociations sur un accord de réadmission avec l’UE.

 

Aujourd’hui, la France a marqué au fer rouge la mise en place de leviers punitifs pour contraindre les États dits tiers à coopérer en matière de réadmission, comme annoncé dans le nouveau code des visas Schengen qui prévoit « la possibilité de restreindre les visas à l’égard d’un État tiers qui s’avère non ou insuffisamment coopératif en matière de réadmission ». À l’inverse, le bon élève pourra bénéficier d’une réduction des droits de visa et du délai de traitement des demandes ou d’un allongement de la durée de validité des visas à entrées multiples.

 

Cette annonce risque de jeter un grand froid dans les relations entre le Maroc et la France, alors que les raisons qui ont motivé cette décision semblent purement franco-françaises : Macron a-t-il ainsi annoncé sa candidature pour les élections présidentielles à venir en France ? Souhaite-il annoncer la couleur de ses ambitions européennes au cours de la présidence française du Conseil européen de janvier à juin 2022 ? Répond-il ainsi aux attaques de partis français de droite et d’extrême droite sur sa politique migratoire ? Quoiqu’il en soit, le chantage à la migration largement décrié dernièrement par l’Union européenne et ses États membres ne devrait avoir sa place ni au Nord ni au Sud, car in fine, ce sont toujours les mêmes personnes qui se retrouvent au cœur de ces décisions et de ce jeu diplomatique, qui en pâtissent le plus. 

 

Pour les citoyen·ne·s marocain·e·s, tunisien·ne·s et algérien·ne·s, ce seront de nouveaux obstacles face à des conditions d’obtention de visa déjà extrêmement lourdes et difficiles à remplir.  Il faut s’attendre également à une recrudescence de discriminations déjà intrinsèques aux politiques de visa et à la logique des « risques migratoires ». Cette nouvelle atteinte à la liberté de circulation aura des traductions concrètes. Sans ce sacro-saint sésame, pas de possibilité de voyager, de rendre visite à sa famille, d’aller étudier, de rejoindre ses enfants, etc. C’est le droit à la vie privée et familiale qui est bafoué. Et le droit à la vie elle-même qui est piétiné lorsque ces décisions ne laissent plus d’autre choix à certain·e·s que de risquer leur vie pour réaliser leur projet. 

 

 

Pour plus d’info : contact@gadem-asso.org ou (+212) 05 37 77 03 32 

 


 

1 https://fnh.ma/article/actualite-politique/france-maroc-la-declaration-conjointe-qui-reaffirme-le-partenariat-d-exception-qui-lie-les deux-pays 

2 https://telquel.ma/2021/06/04/migrations-rabat-et-paris-veulent-faciliter-le-retour-des-mineurs-isoles_1724547

3 Déclaration du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères le 13 août 2020 dans un débat parlementaire  http://www.senat.fr/questions/jopdf/2020/2020-08-13_seq_20200033_0001_p000.pdf (p3611-3612).

4 Voir la note n°10 de Migreurop « Les visas : Inégalités et mobilités à géométrie variable » disponible sur  http://www.migreurop.org/IMG/pdf/note_10_fr.pdf

 

 

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Tags : Communiqué de Presse GADEM UE/Etats membres