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Moussa Camara : la triste histoire d’un migrant guinéen oublié dans les « geôles » du Maroc

26.01.2021   Moussa Camara : la triste histoire d’un migrant guinéen oublié dans les « geôles » du Maroc

 

C’est l’histoire pathétique d’un jeune migrant guinéen condamné à 10 ans d’emprisonnement, et qui depuis plus d’un an croupit, dans l’oubli, dans les geôles marocaines. Son cas interpelle aujourd’hui les organisations de défense des droits humains du Maroc, qui dénoncent une condamnation expéditive.

 

 

En quittant sa Guinée natale, Moussa Camara rêvait de joindre les côtes européennes, via le Maroc. Son rêve a viré au cauchemar. Il a été reconnu coupable du délit de « trafic de migrants » alors que selon ses proches il n’est qu’une victime. L’embarcation de 53 passagers à bord de laquelle Moussa se trouvait, a été rattrapée par la police marocaine. La majorité des personnes à bord étaient des mauritaniens. Grâce à l’implication de leurs autorités notamment leur ambassade, tous les compagnons d’infortune du jeune guinéen ont été libérés. Moussa Camara n’a pas eu cette chance, les nombreux cris qu’il a lancés sont restés sans suite. L’Etat guinéen n’est pas intervenu en sa faveur. Ce qui lui vaut aujourd’hui de purger une peine de 10 ans de prison alors qu’il alors qu’il n’était qu’un passager. Sa famille révèle avoir mené toutes les démarches auprès des autorités guinéennes pour sa libération, en vain. Aujourd’hui des organisations de droit de l’homme marocaines se lèvent en faveur de Moussa, elles dénoncent un mauvais procès sans traducteur. Elles invitent l’Etat guinéen à se lever pour libérer son citoyen.

 

 

« En tant qu’association de défense des droits humains nous avons constaté des violations graves dans la procédure de jugement de Moussa : lors de son arrestation, les PV de police étaient établis en arabe sans aucune traduction, devant le juge, le traducteur n’était présent que lorsque le verdict a été prononcé. Avec lui des Mauritaniens ont été arrêtés pour les mêmes charges. Grâce à la défense de l’ambassade mauritanienne à Rabat, ils ont été innocentés. Nous attendons des autorités guinéennes leur intervention pour examiner ce cas, demander un nouveau jugement pour sa libération. Il est poursuivi et condamné pour Trafic migrants, alors qu’il a été arrêté dans le convoi en mer avec 53 passagers. Les trafiquants de l’immigration ne voyagent pas avec les passagers. Ils sont très bien installés à Rabat, Casablanca et les grandes villes. Moussa arrêté en tant que migrant doit être rapatrié vers son pays ou expulsé, mais aujourd’hui il est condamné en tant passeur alors que ce qui n’est pas le cas. Le Maroc est le seul pays maghrébin qui a condamné de simples migrants à 10 ans de prison ferme. C’est très lourd comme verdict. C’est une façon de montrer aux Européens qu’il est sérieux dans la lutte contre la migration irrégulière pour avoir plus de financements » a expliqué à Africaguinee.com Oumar Naji, vice-président de l’association marocaine des droits humains- Section Nador.

 

 

Moussa Camara avait passé du temps en Mauritanie auprès de sa sœur mariée à un mauritanien avant de s’engager sur le chemin de l’Europe via la mer. Finalement il a été arrêté et condamné comme passeur alors qu’il n’était qu’il candidat à l’immigration. Son beau-frère dénonce le silence de l’Etat guinéen vis-à-vis des guinéens de l’étranger.

 

 

« Le petit Moussa Camara était en Mauritanie auprès de sa sœur, il a même travaillé ici pour faire des économies. Il a tenté l’immigration avec mes frères et cousins. C’est comme ça ils sont partis au Maroc pour traverser et gagner l’Espagne. Mes frères ont pris le visa pour le Maroc et Moussa lui étant guinéen il n’y a pas de visa entre la Guinée et le Maroc il a pris l’autorisation pour partir avec eux en avion, ils ont atterri ensemble au Maroc. A Nador, la police les a arrêtés. Dans le lot il y avait 8 mauritaniens, un guinéen qui est Moussa Camara, et d’autres nationalités. Du coup on nous informe que nos compatriotes sont en prison, on contacte l’ambassade de la Mauritanie au Maroc qui est partie immédiatement libérer nos frères pour les rapatrier directement vers la Mauritanie. Finalement ils sont tous partis en Europe. Alors, Moussa Camara est resté en prison jusqu’à ce qu’il soit condamné pour des faits qu’il n’a pas commis. J’ai pris un visa à l’ambassade du Maroc ici en Angola pour aller voir la situation de Moussa qui est le frère à Ma femme, je peux témoigner ça partout. C’est regrettable les ambassades de Guinée ne s’occupent pas de leurs compatriotes. »

 

 

« J’ai demandé à l’ambassade de me faire un papier afin que je puisse aller libérer Moussa, elle n’a pas voulu. C’était impossible. J’ai tenté d’aller seul, on me dit que ce n’est pas possible parce que je n’ai pas le même nom de famille que Moussa, et qu’on n’est même pas de même nationalités. Donc ce n’était pas possible. Je suis allé à Casablanca, j’ai rencontré Cheick Konaté au consulat guinéen. Il m’a dit qu’il n’a pas de transport pour aller à Nador. Je lui ai remis 500 euros pour son frais de déplacement. Les autorités guinéennes sont au courant, nous avons envoyé des tonnes de messages aux ministères de l’intérieur guinéen, aux affaires étrangères ainsi qu’à la coopération, nous n’avons pas obtenu de réponse. Pourtant Moussa est un guinéen. C’est désolant », a regretté Mohamed Sokhona beau-frère de Moussa Camara.

 

 

Mariam Camara, jeune-sœur à Moussa Camara révèle avoir mené toutes les démarches pour rencontrer le ministre des affaires étrangères en vain.

« Je suis allée à plusieurs reprises au ministère des affaires étrangères de Guinée à Conakry, les gens que je trouve me disent de laisser une demande pour rencontrer le ministre, après il va répondre. J’ai déposé deux demandes sans suite. J’ai quitté la Mauritanie pour aller faire les démarches un an sans avoir une suite favorable à Conakry. Je repartais chaque fois pour voir, on m’a même dit de laisser mon numéro, je serais contactée, mais jusque-là rien. Je suis allée également au ministère de la coopération, là aussi un Monsieur a pris le dossier de mon frère avec l’argument qu’ils vont s’en occuper mais il n’y a pas eu de suite. J’attends toujours leurs appels qui tardent à sonner.  Mon mari qui est mauritanien est allé faire des démarches au Maroc en 2019 et 2020 pour faire libérer mon frère en vain. Mon mari a rencontré un certain Konaté qui s’est fait passer pour le représentant des guinéens au Maroc qui lui a promis qu’il peut aider. Il a pris 500 euros avec lui. Il a demandé à mon mari de rentrer en Mauritanie il va agir. Konaté au lieu de nous aider il prend le vol pour Conakry. En ce moment j’étais en Guinée.

 

 

Je me suis vue avec lui à Conakry, il m’a dit qu’à son retour, il ira à Nador pour libérer mon frère. Il n’a rien fait jusqu’à présent. A chaque fois que je lui écris il me parle de coronavirus. Il me dit encore de demander à mon mari de lui envoyer quelque chose alors qu’il a reçu un premier montant sans rien faire. Et au même moment les mauritaniens ont libéré leurs enfants en pleine épidémie de coronavirus. Pourquoi les guinéens ne peuvent rien faire. Les jeunes sont au chômage dans le pays avec leur diplôme, faute d’espoirs ils vont sortir. Les ministres et l’Etat ne font rien pour les guinéens qui sont dans les difficultés. Ce n’est pas pour mon frère seulement, il y a pleins des guinéens en prison pour des futilités à l’étranger », a témoigné Mariam Camara en larmes depuis la Mauritanie.

 

Expert en migration et défenseur des étrangers au Maroc, Cheik Konaté a répondu aux accusations portées contre lui. Il précise qu’il n’a aucune fonction officielle au consulat de Guinée.

 

« Le cas Moussa Camara est une affaire qui date de plus d’un an. C’est un prisonnier qui l’avait donné mon contact. Son beau-frère est venu me voir alors que j’étais en instance de voyage. Le convoi dans lequel le petit a eu des problèmes était géré par des mauritaniens qui sont tous venus me voir pour une aide. Je leur ai dit que je ne suis pas du consulat j’aide juste des étrangers en trouvant des avocats militants moyennant quelque chose pour défendre les détenus devant les tribunaux. J’ai promis d’aller voir le jeune à Nador à mon retour de la Guinée. Ils m’ont remis tous ses documents, billets d’avion, copie de passeport et tout. Il avait juste fait 7 jours au Maroc avant d’avoir ce problème alors qu’il n’était pas le guide des migrants ou le passeur, mais un simple passager comme tout le monde. Je ne demande pas de l’argent pour mes déplacements, mais si je fais des frais, je demande à être remboursé après. Entre temps le mari à notre sœur guinéenne m’a donné 500 euros sans que je ne demande.

 

 

Il me dit que je ne vous paye pas, c’est juste pour vous encourager à m’aider. Je ne vous connaissais pas, c’est votre bienfait qui m’a conduit à vous. Je ne détourne pas les gens. C’est juste que depuis un moment les prisons sont fermées aux personnes étrangères pour éviter des contaminations à l’interne, j’étais en Guinée aussi. Vous devez savoir que j’ai aidé à régulariser des milliers d’étrangers au Maroc. Je ne le fais pas pour quelqu’un ou pour être payer. Je ne suis pas le représentant des guinéens ici je suis militant des droits de l’homme qui aide les étrangers. J’avais préparé tous les documents pour aller voir ce que je peux, mais depuis aucune visite en prison n’est permise. Il faut que le Maroc donne l’autorisation de visiter les prisons sinon on ne peut rien faire. Ce qui me dérange c’est la manière dont la famille de Moussa me vilipende comme ça. Moi j’aide comme je peux ce n’est pas obligatoire, sinon les représentants de l’Etat guinéen, c’est l’ambassade et le consulat », a rétorqué Cheikh Konate, expert en migration.

 

Des guinéens menaceraient de se faire entendre devant l’ambassade de Guinée à Rabat et au consulat de Casablanca pour demander l’implication des autorités guinéennes afin que Moussa Camara soit libéré.

 

 

Source: https://www.africaguinee.com/articles/2021/01/26/moussa-camara-la-triste-histoire-d-un-migrant-guineen-oublie-dans-les-geoles-du

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Tags : Arrestation/Déplacements forcés Lutte contre migrations irrégulières/traite Migrations africaines Presse Internationale