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Route des Canaries : l’Espagne ouvre une enquête après la mort par balle d’un migrant

31.05.2023  Route des Canaries : l’Espagne ouvre une enquête après la mort par balle d’un migrant

La semaine dernière, un migrant malien est mort et trois autres ont été blessés par des tirs opérés par l’armée marocaine, a rapporté l’association Caminando Fronteras. Les victimes ont été touchées alors qu’elles s’apprêtaient à prendre la mer depuis une plage du royaume, destination les îles Canaries. Madrid a annoncé lancer des investigations pour faire la lumière sur les circonstances du drame.

 

La gravité des accusations a poussé les autorités espagnoles à réagir. Samedi 27 mai, Madrid a annoncé ouvrir une enquête après la mort par balle d’un exilé sur la route des Canaries. Les investigations ont été lancées après un grave incident rapporté par l’association espagnole d’aide aux migrants Caminando Fronteras, sur Twitter.

 

Dans un tweet, sa présidente Helena Maleno assure que des soldats marocains ont tiré à balles réelles sur une embarcation chargée de 43 migrants, qui s’apprêtait à quitter la plage de Cap Bojador (au sud de Laâyoune), mardi 23 mai à 7h du matin. Selon les passagers, avec qui la militante s’est entretenue au téléphone, « l’armée marocaine a tiré quatre fois ». « Quatre personnes sont alors tombées à la mer et sont restées au Maroc. Parmi eux, le corps inerte d’un jeune malien et trois hommes de nationalité guinéenne », précise-t-elle.

 

Le bateau a tout de même pris la mer et a été secouru deux jours plus tard, dans la soirée du jeudi 25 mai, par les sauveteurs espagnols au large de l’île de Grande Canarie. Les rescapés – 25 hommes, dix femmes et neuf mineurs – ont ensuite été transférés au port d’Arguineguín. Sur place, tous ont bénéficié d’une assistance médicale.

 

Au lendemain du sauvetage, vendredi, des sources policières ont fait savoir à l’agence de presse espagnole EFE que trois autres personnes présentaient elles aussi des blessures causées par des armes à feu. Deux d’entre elles ont été hospitalisées, bien que leur vie ne soit pas en danger. La troisième personne, dont la blessure est « mineure », est resté au Centre d’accueil temporaire pour étrangers (CATE) de Las Palmas.

 

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José Antonio Rodríguez Verona, chef de l’équipe d’urgence de la Croix-Rouge aux îles Canaries, a lui recueilli une autre version de l’incident. « Les migrants nous ont dit que deux personnes [au lieu d’une] étaient mortes pendant le voyage [et non sur la plage] et que leurs corps avaient été jetés par-dessus bord », a-t-il déclaré à Reuters.

 

L’enquête espagnole devra donc faire la lumière sur le déroulé exact des évènements. Les autorités marocaines quant à elles n’ont pas répondu aux sollicitations de Reuters et EFE.

 

Touché « d’une balle dans le dos »

 

Depuis le rabibochage diplomatique, il y a un an, du Maroc et de l’Espagne après un an de brouille, Rabat met tout en œuvre pour empêcher les migrants d’atteindre le sol espagnol. Y compris en tirant à balles réelles sur les embarcations prêtes à partir en mer, à l’instar de leurs homologues libyens en mer Méditerranée.

 

Le 12 septembre 2022, une jeune femme originaire d’Afrique subsaharienne a reçu une balle dans la poitrine et a succombé à ses blessures. Elle s’apprêtait elle aussi à partir pour les îles Canaries, depuis une plage située entre les villes de Tarfaya et d’Akhfennir.

 

Ce jour-là, plusieurs personnes avaient également été blessées. Cinq migrants avaient été pris en charge à l’hôpital de Laâyoune dans un état grave, dont le fils du maire d’Akhfennir. « Il a été touché d’une balle dans le dos alors qu’il essayait de s’enfuir. C’est intolérable de tirer sur des gens par derrière », s’était emporté Helena Maleno auprès d’InfoMigrants. « On a l’impression que la police a voulu tuer, sinon pourquoi ne pas tirer dans les jambes ou les pieds ? »

 

Les passagers du canot visé, 29 Subsahariens et six Marocains, avaient alors fait demi-tour, et s’étaient terrés chez des amis.

 

Le durcissement sécuritaire qui s’opère depuis plusieurs mois sur le littoral marocain coïncide avec une baisse des arrivées de migrants aux Canaries : début avril, un bilan du ministère espagnol de l’Intérieur indiquait que le nombre d’arrivées aux Canaries avait chuté de 63 % au cours du premier trimestre 2023 par rapport à la même période en 2022. Ce regain de violence n’atténue pas en revanche le désir d’exil des candidats à l’immigration, qui continuent à prendre la mer au péril de leurs vies.

 

Parti du Mali il y a deux ans, Keïta a tout fait pour gagner l’Europe. Il a connu la Libye puis l’Algérie, avant d’arriver au Maroc en février 2022. De là, il a tenté différentes options pour entrer en Espagne. « Je suis passé à Melilla mais j’ai été expulsé vers le Maroc. Quelques mois plus tard, je suis entré à Ceuta mais j’ai aussi été expulsé. Alors je suis parti vers Tan-Tan. Là-bas, j’ai travaillé et j’ai fini par monter sur un canot pour rejoindre les Canaries », a-t-il expliqué à InfoMigrants en avril dernier. « Même si ce n’est pas parfait ici, c’est beaucoup mieux que tout ce que j’ai vécu. »

 

Sourcehttps://www.infomigrants.net/fr/post/49305/route-des-canaries–lespagne-ouvre-une-enquete-apres-la-mort-par-balle-dun-migrant

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Tags : Lutte contre migrations irrégulières/traite Maroc-Espagne Migrations