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Number 9 Campaign

The « Number 9 – Stop violence at the Northern borders of Morocco » against migrants campaign is a campaign to denounce the daily systematic repression against them on the part of the Moroccan authorities,  and the involvement of the Spanish authorities in the abuses committed against them at the Melilla border.         It also aims to call to the end of this violence and the breaches to human rights committed  in the North of Morocco, as well as to call for an official inquiry into the circumstances of the death of Clement and that of other migrants who died in the areas surrounding the enclaves.

Campagne « Numéro 9 – Stop aux violences aux frontières ! »

Les violences aux frontières dans le Nord du Maroc redoublent depuis fin 2011. De nombreux blessés et plusieurs morts sont à déplorer.

Le 11 mars 2013, une tentative de passage groupé de la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla est violemment réprimée par la guardia civil espagnole et les forces auxiliaires marocaines : une personne décède de ses blessures et 25 blessés graves dont 3 dans le coma seront admis à l’hôpital El Hassani de Nador.

Le groupe de migrants originaires d’Afrique subsaharienne comptait entre 120 et 200 personnes d’après les témoignages recueillis et était parti en pleine nuit avec des échelles de fortune construites par leur soin pour tenter de traverser la frontière entre l’Espagne et le Maroc.

Malgré des avancées dans certains domaines depuis 2009, un retour à des pratiques plus vues depuis les tristes évènements de Sebta et Melilla en 2005 est à noter depuis la fin 2011. Les associations de soutien aux migrants et de défense des droits humains dont l’ALECMA , l’AMDH , le FMAS et le GADEM à l’initiative de cette campagne, ont dénoncé une recrudescence des violences infligées aux migrants par les forces de l’ordres marocaines et espagnoles, particulièrement lors des opérations d’interception aux frontières et de rafles de migrants dans le Nord du Maroc, ainsi qu’au cours de mesures d’éloignement .

Dans son dernier rapport « Violences, Vulnérabilité et Migration : Bloqués aux Portes de l’Europe » , Médecins sans frontières constate en 2012 « une recrudescence de la violence exercée par les forces de sécurité marocaines et espagnoles ». Pour ce rapport, MSF a interrogé 190 personnes dans les villes de Nador et Oujda : 63% affirmaient avoir subi des violences au Maroc. Parmi elles, 64% ciblaient les forces de sécurité marocaines comme responsables et 7% les forces de sécurité espagnoles. « 92% des personnes ayant subi des violences ont déclaré que la violence subite était intentionnelle ».

Le 16 mars 2013, lors d’une mission de terrain dans la forêt de Gourougou près de Beni Enssar menée par l’association ALECMA avec le soutien du GADEM et accompagnée par Sara Creta, alors volontaire à e-joussour au FMAS, afin de documenter les conséquences des violences insitutionnelles à l’encontre des migrants et recueillir des témoignages écrits et audio-visuels, les membres de la mission sont témoins sur place du décès de Clément, originaire du Cameroun qui avait tenté le passage de la clôture de Melilla le 11 mars. Il avait été arrêté, tabassé et transféré à l’hôpital de Nador. L’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH ) rapporte qu’il avait été blessé à la tête, et aurait eu le bras et la jambe fracturés. Encore très faible, d’après les témoignages recueillis, il avait été renvoyé au campement où vivent les migrants dans la forêt de Gourougou. Le lendemain, les forces auxiliaires sont venues « comme tous les matins ».

Clément, trop faible, n’a pas pu fuir avec les autres et est resté sur place. Les « Ali » comme les migrants les appellent, l’ont sorti de sa tente pour la faire brûler avec ses couvertures, et l’ont laissé ainsi dehors avec d’autres blessés restés au campement.

Clément n’a pas eu le temps de retourner à l’hôpital, il est mort de ses blessures. Il avait quitté son pays en décembre 2012 et y a laissé une femme et 3 enfants, dont le dernier d’à peine quelques mois.

Cette mission a abouti à la réalisation d’un film, « Numéro 9 » , réalisé par Sara Creta et produit par l’ALECMA, et au lancement d’une campagne « Numéro 9 – Stop aux violences aux frontières » initiée par l’ALECMA, l’AMDH, le FMAS et le GADEM afin de dénoncer la répression quotidienne et systématique que subissent les migrants de la part des autorités marocaines et l’implication des autorités espagnoles dans les exactions commises à leur encontre aux frontières de Melilla, ainsi que d’appeler à la fin de ces violences dans le Nord du Maroc, au respect des droits migrants, et à l’ouverture d’une enquête officielle sur les circonstances de la mort de Clément et celles des autres migrants décédés aux abords des enclaves.

« Numéro 9 » rappelle le joueur n°9 sur les terrains de football, l’avant – centre ou l’attaquant, celui qui devra marquer les buts. « Numéro 9 » est un nom que se donnent certains migrants pour parler de celui qui quitte famille et pays d’origine, et qui tente « le passage », ici le passage de la frontière entre le Maroc et l’Espagne. Ce titre a été donné au film et à la campagne en mémoire de Clément qui portait ce surnom.

Autour de « Numéro 9 » Les évènements du 11 mars 2013 et la réalité quotidienne des migrants dans le Nord du Maroc

Cette note a été rédigée sur la base des témoignages recueillis par l’ALECMA et Sara Creta lors de la mission de terrain et pour la réalisation du film « Numéro 9 », ainsi qu’à partir des rapports de l’AMDH et des entretiens réalisés par le GADEM auprès de migrants victimes des répressions du 11 mars et venus se faire soigner à Rabat. Elle a pour but de remettre le film dans son contexte, retracer les évènements qui se sont produits lors de cette tentative de passage de la frontière de Melilla du 11 mars 2013 et de mettre en évidence les circonstances de la mort de Clément. Plus largement, cette note documente aussi la réalité quotidienne des migrants rythmée par la répression des forces de l’ordre marocaines dans la forêt de Gourougou et près des frontières dans le Nord du Maroc.

« On appelle ça l’enfer » Cette phrase revient souvent dans la bouche des migrants qui n’en sont plus à leur première tentative de passage lorsqu’ils parlent de la frontière qui sépare l’enclave espagnole de Melilla du territoire marocain.

La simple traversée des grillages est en elle-même synonyme de danger de mort : clôtures immenses, fils barbelés, caméras, détecteurs de mouvement et autres dispositifs de surveillance. Nombreux sont ceux qui tombent et se blessent gravement.

« Entrer là-bas, c’est pas facile. Pour grimper, on risque nos vies ». Extrait du film « N°9 » réalisé par Sara Creta et produit par l’ALECMA.

A cela, s’ajoute les violences autant du côté marocain qu’espagnol. Armées de pierres, de gourdins, de matraques, de barres de fer, de balles en caoutchouc, de fouets, de battes de base-ball voire de serre-joints ou de marteaux, les forces de l’ordre marocaines et espagnoles utilisent tous les moyens pour stopper les candidats.

« S’ils veulent nous arrêter, ils peuvent nous arrêter. Mais pas nous fouiller, pas nous dépouiller, pas nous enlever le téléphone, notre argent, pas nous tuer, On ne refuse pas qu’ils fassent leur travail ». Extrait du film « N°9 ». « On a décidé de taper du côté de l’aéroport de Melilla »

Aux environs de 4h30 du matin au moment de la prière, environ 150 migrants avec 120 échelles de fortune ont essayé de passer la frontière séparant le Maroc du préside espagnol de Melilla au niveau de Farkhana, dans la zone de Yasinen, près de l’aéroport de Melilla. Partis de leur campement entre minuit et 2h du matin, ils ont attendu cachés que l’appel à la prière retentisse pour s’avancer vers la première clôture de Melilla « Il faut compter entre 30 minutes à une heure pour atteindre les premiers grillages ».

« Dès la préparation de la frappe du 11 mars, on était ensemble, on a organisé le 11, on était cent-vingt. On a décidé de taper du côté de l’aéroport de Melilla. On a quitté à partir de minuit, on est arrivé, on s’est caché jusqu’à l’heure de la prière du matin à 4h35. On a attendu que la patrouille soit passée. Ils ont des appareils qui détectent la présence des personnes. On est monté sur la barrière. ». Témoignage de J. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

Certains tentaient de passer pour la première fois, d’autres connaissaient déjà les risques encourus et la répression dont ils pouvaient faire l’objet s’ils étaient attrapés du côté marocain autant que du côté espagnol.

« C’était ma 4ème frappe. La première fois, j’ai été tabassé par les militaires marocains avec une matraque en bois et j’ai eu un bras et le pied cassés, et je suis resté un mois et demi dans le plâtre. C’était en avril 2012. La deuxième fois, en mai 2012, j’ai été attrapé mais juste giflé par les militaires marocains. La troisième fois, j’ai tenté sur l’eau avec un zodiac, mais les militaires nous ont attrapés et ils faisaient des vagues pour faire chavirer le bateau. On était 9 dessus. Ils nous ont récupérés. 3 étaient très mal, mais ils nous ont tout de même emmenés à Oujda. » Témoignage de J. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Le 11 mars, c’était ma première tentative ». Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« J’ai fait plusieurs tentatives. C’est la troisième fois que je passe et que je suis refoulé par la guardia, remis aux forces auxiliaires et refoulé à Oujda. » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« J’ai fait sept tentatives de passage. Je suis passé quatre fois mais à chaque fois j’ai été refoulé par la guardia. » Témoignage de J. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Je n’avais jamais tenté de traverser avant. » Témoignage de S. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. Arrivés aux grillages, tout allait très vite. Installer l’échelle de 3 mètres de haut « pour éviter les barbelés », traverser la première clôture, etc. Ils pouvaient être plusieurs sur une échelle, mais « lors du passage, c’est chacun pour soi ». « Il faut être rapide ». Particulièrement ce jour-là, car la guardia civil n’a pas mis longtemps à arriver, et les forces auxiliaires marocaines étaient déjà là. Les renforts sont arrivés peu de temps après. « Quand j’ai passé le troisième grillage, j’ai vu que les militaires avaient appelés du renfort et ils ont commencé à lancer des pierres ». Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« On a mis les échelles. Les premiers sont montés et ont sauté. Certains ont passé les trois barrières, d’autres ont été bloqués à la première ou à la deuxième par la guardia, arrivée très rapidement ». Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. Mais « il ne faut pas tomber, sinon c’est fini et on peut se blesser gravement » et « il faut toujours regarder devant soi, jamais derrière, sinon on ne peut plus avancer » . « Ce jour-là, j’ai vu une personne couchée entre la première et la deuxième barrière qui ne réagissait plus, sans doute morte dans sa chute, mais je n’ai pas vu son visage. » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Quand on est sur les barrières, les guardia tirent avec des balles à blanc. Si tu tombes, les forces auxiliaires te récupèrent et te frappent. » Environ 90 migrants auraient réussi à passer les clôtures, 5 ont fait demi-tour dès le début, les autres ont été pris au niveau des clôtures. La majorité des personnes interceptées aurait été arrêtée par la guardia civil et remise d’office aux forces auxiliaires marocaines. Seule une dizaine aurait été arrêtée du côté marocain directement. « On nous a tous pris de l’Espagne et on nous a jeté du côté marocain. Mais d’abord ils nous ont massacrés ». Extrait du film « N°9 ». Ceux tombés entre les mains de la guardia civil ont pour la majorité été tabassés, mis dans le coffre des Toyota et ramenés à la frontière marocaine. « Entre les grillages, il y avait la guardia civil aussi. Certains ont du se cacher et attendre de pouvoir avancer, d’autres ont été attrapés et tapés par la guardia civil puis rendus directement aux militaires marocains qui les ont tapés à leur tour ». Témoignage de J. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Ils [les agents de la guardia civil] ont commencé à me frapper avec des matraques. Ils étaient trois à me frapper, partout. J’ai été blessé au poignet droit. Puis ils m’ont menotté avec des menottes en plastique, puis ils m’ont mis dans la voiture, dans la malle. Nous étions quatre. Tout le monde a été frappé par trois ou quatre guardia. » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« La guardia frappait avec des matraques. Un ami a été directement frappé avec une voiture [de la guardia civil] dans Melilla. On nous a dit que deux autres qui étaient en train de se faire massacrer par la guardia, sont tombés dans le coma et ont été transportés à l’hôpital de Nador. » Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Moi, je suis passé et je me suis ensuite caché jusque 16h. A 16h nous avons été pris par la guardia civil, on était 6 à s’être cachés ensemble, ils nous ont menottés et tapés avec des matraques noirs en plastique sur la tête et aux bras ». Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« J’ai été attrapé après la troisième barrière par la guardia civil. Ils m’ont tapé avec des matraques et m’ont jeté dans la voiture. Une autre personne était déjà là. Puis ils nous ont transportés jusqu’aux militaires marocaines. Les militaires m’ont fouillé et tout pris (argent et téléphone). Ils nous ont frappés à leur tour avec des gourdins et des barres en fer à la tête, au pied et à la main [il nous montre ses blessures]. J’ai perdu connaissance quand ils me frappaient ». Témoignage de S. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. Du côté marocain, la plupart d’entre eux semble avoir été frappé une nouvelle fois. Seuls certains rendus « en trop mauvais état » par la guardia civil, ont été épargnés. « Ils [les agents des forces auxiliaires] les frappaient partout, ils cassaient les tibias, ils cassaient la tête, j’ai bien observé la scène parce que j’étais caché dans les champs des oliviers ». Extrait du film « N°9 ».

« Quand j’étais en haut, j’ai été touché par un caillou lancé par un militaire marocain. J’ai lâché et je suis tombé en bas du côté marocain. J’avais perdu connaissance mais ils m’ont frappé quand même : les mains, le genou gauche, les yeux. L’ambulance m’a emmené à l’hôpital. » [J. était dans le coma quand il est arrivé à l’hôpital] Témoignage de J. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. « Sans enlever les cordes [les mains avaient été liées par la guardia civil avant de les remettre aux forces de l’ordre marocaines], les forces auxiliaires nous ont amenés en cellule. Mais, avant de partir, ils nous ont frappés avec des serre-joints partout : la tête, les bras, les jambes. Ils ne regardent pas où ils vous tapent. Vous êtes à genou sans pouvoir vous défendre ni même vous protéger la tête. Beaucoup ont été blessés. Puis ils vous embarquent dans des fourgonnettes et vous amènent en cellule. » Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Il y avait au moins quatre-vingt forces auxiliaires. Ils ont commencé à nous frapper avec des barres de fer, des battes de base-ball, en nous menaçant que la prochaine fois, ils nous coupent les couilles, nous crachant dessus et nous traitant de ‹ qawat › [insulte en marocain signifiant « maquereau »]. Ils m’ont cassé le bras gauche, la jambe droite avec un serre-joint de maçon, et blessé à la tête. Ils nous piétinaient le visage avec leurs rangers, nous bottaient la poitrine. Ils m’ont jeté et j’ai vu mes frères, tous couchés, comme morts. On baignait dans le sang, de quoi remplir un seau de vingt litres. J’ai reconnu des personnes, notamment Clément, blessé, couché. » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. La majorité des personnes arrêtées par les forces de l’ordre marocaines ou remises par la guardia civil a été envoyée au commissariat de Nador, le soir même, et refoulée à la frontière algérienne le lendemain. Parmi eux, un grand nombre de blessés. « Ils nous ont emmenés au commissariat de Nador puis à Oujda où nous sommes arrivés le 12 mars à 21h. Ensuite, on a marché les 7 km pour arriver à la fac. On est arrivés à 17h. Ensuite on a pris le train de marchandise pour revenir à Nador et on est retournés dans la forêt. On était 20 en tout à revenir ensemble d’Oujda. » Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Au refoulement, on a été directement jetés à la frontière, laissés vers 22h aux militaires qui vont nous déposer et nous chassent vers l’Algérie. On a fait semblant de partir, on s’est cachés dans les herbes pendant deux heures puis on a fait demi-tour vers Oujda. Nous sommes arrivés à la fac vers 8h Nous sommes restés bloqués longtemps avant de pouvoir revenir à Rabat. » Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. « Entrer, c’est entrer ! » Très souvent, les migrants témoignent qu’après avoir réussi à franchir cet « enfer », ils espèrent atteindre le « campo », CETI (Centre de séjour temporaire d’immigrés) de Melilla, comme certains de leurs « frères », mais sont automatiquement remis aux mains des forces de l’ordre marocaines. L’accord bilatéral de réadmission signé entre les gouvernements marocain et espagnol le 13 février 1992 n’a presque jamais été appliqué sauf dans des cas très particuliers, et les réadmissions se font en dehors de toutes procédures légales. « Ils nous ont ramenés à la barrière, à l’endroit où on était entré, au niveau de Farkhana, près de l’aéroport de Melilla. Ils ont ouvert une porte et nous ont remis aux forces auxiliaires, toujours menottés. Les chefs des Ali nous nous ont dit qu’ils ne faisaient que le travail pour les européens, que c’est eux qui leur demandent de nous frapper. » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. Remis au Maroc aux forces auxiliaires par la guardia civil contre « une petite enveloppe » Les personnes arrêtées par la guardia civil ont été automatiquement remises aux forces de l’ordre marocaines. Certains témoins affirment avoir vu la guardia civil remettre une enveloppe aux agents marocains. « Ils [la guardia civil] nous ont attaché les mains dans le dos et nous ont remis aux forces auxiliaires marocaines : ils ouvrent des petites portes dans le grillages. Une enveloppe est également remise aux forces auxiliaires, une enveloppe blanche petit format longue. » Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Quand tu entres la nuit et que tu te caches, ils te mettent dans la malle arrière de la voiture, négocient avec les militaires marocains et te remettent avec une enveloppe, souvent cachée dans un journal. Parfois les militaires te laissent partir. Parfois ils te frappent avant. » Témoignage de J. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Ils nous ont mis les 6 dans le coffre de la voiture, une Toyota, et ils nous ont emmenés au dernier village avant la frontière. La guardia civil (6 en tout) a parlé avec 5 militaires marocains et leur ont donné une enveloppe car les militaires refusaient de nous prendre. Ils disaient avoir pris trop de monde déjà et que ‹ ceux-là devaient rester en Espagne ›. Les militaires ont alors appelé leur chef et ensuite, ils ont accepté l’enveloppe et on est parti avec eux. » Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. « S’il y en a seulement deux, on peut dire c’est un accident. S’il y en a beaucoup, ce n’est pas possible » 25 personnes, « seulement les plus gravement blessées », « ceux qui ne pouvaient vraiment pas marcher » ont été transportées à l’hôpital de Nador au lieu d’être refoulées. Parmi elles, seules 6 dont 3 dans le coma, y sont restées plus d’une journée. Tous témoignent avoir été soutenus et accompagnés dans le suivi des soins au niveau de l’hôpital par la Délégation aux migrations de l’Evêché de Tanger présente sur le terrain à Nador. « Trois ont été pris, tapés par la guardia civil, rendus aux militaires et tapés encore. Ils ont fini dans le coma et sont restés à l’hôpital de Nador trois jours avant de pouvoir sortir. Je n’ai pas vu quand on les a tapés, mais ils sont à Rabat aujourd’hui avec nous et ont dû retourner à l’hôpital car ils avaient encore des problèmes de vue et des maux de têtes. L’un d’entre eux a un bras et une jambe plâtrés. Un autre a une broche dans le bras. Le dernier a des difficultés à voir maintenant, car il a été touché à l’œil. Il a aussi les doigts encore gonflés par les coups. » Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« On a demandé l’ambulance mais ils nous ont emmenés en cellule à la gendarmerie, ce jour-là pas au commissariat. On a supplié. Une ambulance est arrivée et a pris certains blessés. Il fallait supplier, ils ne voulaient pas qu’on voit beaucoup de blessés à l’hôpital. S’il y a seulement deux, on peut dire c’est un accident. S’il y en a beaucoup, ce n’est pas possible. Finalement, vingt à vingt-cinq personnes ont été emmenées à l’hôpital, le reste directement au refoulement, y compris des blessés. » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Je suis resté deux semaines et demie à l’hôpital où on m’a soigné grâce au soutien de l’église catholique. J’ai été opéré de la main pour mettre une barre en fer, et ils ont plâtré ma jambe et mon bras. Ils ont aussi recousu ma tête. Ensuite l’église m’a envoyé à Rabat, car je ne pouvais pas rester dans la forêt. » Témoignage de S. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. Mort de ses blessures faute de soins appropriés Les violences des forces de l’ordre tuent… « Clément est rentré le même jour, après les premiers soins. Ils n’avaient pas voulu faire de radio ou de scanner de la tête en disant que ce n’était pas grave. Le premier jour, ça allait, il m’a aidé à monter, et on a dormi ensemble, J. étant à l’hôpital. Mais le lendemain ça n’allait plus : il disait qu’il avait froid, il ne sortait plus de sa tente, il ne mangeait pas. Le samedi, le jour où il est décédé, il commence à baver. On appelle l’ambulance, qui n’arrive pas. On le descend au niveau du goudron. La police est arrivée avant l’ambulance. Ils ont voulu prendre le corps. On a refusé en disant on remonte pour faire la prière. Pendant que le chef des policiers, qui s’est présenté comme commissaire, est monté avec nous, il a envoyé deux personnes pour suivre Sara pour récupérer les vidéos. On a fait la prière, puis les policiers ont pris le corps et l’ont emmené à l’ambulance qui l’a emmené à l’hôpital mais il était déjà mort. La femme qui travaille avec l’église m’a dit que les policiers racontaient qu’il était tombé mais elle savait qu’il était à l’hôpital le lundi ! » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

[De l’hôpital] la femme espagnole nous a appelés pour nous dire que Clément était mort. Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« J’ai appris la mort de Clément à l’hôpital ». Témoignage de S. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. Clément n’est malheureusement pas la seule victime de cette répression depuis début 2013. Un Camerounais connu sous le nom de Grand Papy est mort le 22 février 2013 lors d’une rafle orchestrée par les forces de sécurité marocaines dans la forêt de Gourougou. Poursuivi par les agents des forces de l’ordre, il aurait été roué de coups, serait tombé dans un ravin et aurait fait une chute d’une quarantaine de mètre. L’AMDH a alors fait état de 10 autres blessés dont deux graves. Le lendemain, les migrants, descendus à Nador pour manifester, ont été durement réprimés. et l’accès à l’hôpital El Hassani de Nador est toujours difficile et les soins accordés sont limités et inappropriés. « A l’hôpital, c’est grâce à la présence du Père et de la femme qui travaille avec lui qu’on a été pris en charge. Mais [à l’hôpital] ils voulaient se débarrasser de nous. Ils ont fait le minimum. Par exemple, ils ont mis un plâtre sur mon bras gauche sans nettoyer la blessure. A Rabat, j’ai dû couper le plâtre pour des soins avant de remettre un nouveau plâtre. Quand on insiste, les médecins et les infirmières disent : « vous n’avez qu’à rentrer chez vous ». On était tous couchés par terre. Ils ont recousu mon doigt gauche sans vraiment le nettoyer. Le père a insisté pour que trois blessés soient hospitalisés en plus des trois dans le coma, mais ils ont refusé. » Témoignage de NJ. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« L’ambulance m’a emmené à l’hôpital. Je suis sorti du coma le quatrième jour. Nous étions trois (le deuxième s’est réveillé le soir et le troisième le lendemain). Le cinquième jour, les infirmiers sont venus nous donner le reçu pour sortir, sans même des médicaments. On est rentré à la forêt en bus pour Beni Enssar ». Témoignage de J. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« La personne renversée par la voiture de la guardia a été blessée à la tête, sa figure est déformée. Elle ne pouvait plus parler. Je l’ai laissée à Oujda. Il avait été soigné à Nador et refoulé après trois ou quatre jours, mais ça n’allait pas mieux. Il ne pouvait toujours pas parler. » Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

Selon une dépêche de l’AFP du 11 mars 2013 reprise par AufaitMaroc, la préfecture de Melilla préfère dans un communiqué, accuser les migrants « qui ont recours à la violence (…) contre les forces de sécurité dans leur tentative désespérée d’entrer sur le territoire espagnol » , que de reconnaitre les violences perpétrées par les forces de l’ordre espagnoles et marocaines.

La vie de tous les jours dans les camps « C’est moins violent qu’au grillage mais parfois ça l’est. Certains sont plus violents, avec la chicotte [le fouet] ». La répression ne s’arrête pas aux violences lors des interceptions aux frontières, mais fait partie du quotidien des migrants qui vivent dans la forêt de Gourougou. Les témoignages rapportent la présence pratiquement quotidienne des forces de l’ordre qui tôt le matin viennent pour les arrêter et les refouler à la frontière algérienne, détruire tous moyens d’existence (tentes, couvertures, vivres, etc.), voler leurs effets personnels (argent, téléphone, etc.) et confisquer illégalement leurs documents d’identité. Ces opérations sont la plupart du temps accompagnées de violences physiques. « Depuis que je suis à Nador, chaque matin, à partir de 4h on doit aller plus haut pour se cacher et éviter les militaires ». [N. vit dans la forêt depuis un an et demi] Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« A Gourourgou, la police vient chaque jour, à 5h ils sont déjà là. Il faut se réveiller à 4h pour aller se cacher. Ils ne trouvent personne. Ils repartent, ils reviennent à midi, parfois encore à 16h-17h. Une fois, ils sont venus vers 13h avec douze fourgonnettes. Ils ont encerclé et ratissé et arrêté beaucoup de monde. Ils profitent quand il y a du brouillard pour venir vers 17h nous surprendre plus facilement. C’est moins violent qu’au grillage mais parfois ça l’est. Certains sont plus violents, avec la chicotte (le fouet). » Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM. Les migrants ont pris l’habitude de quitter tous les matins le campement avant 5h, heure de passage en général des forces de l’ordre, pour aller se cacher plus haut dans les collines. Ils restent bloqués dans la forêt, empêchés de sortir par les forces de l’ordre et ont par conséquent des difficultés à se procurer des vivres et à recharger leur téléphone. « On descend une fois par jour vers 17h-18h à la boulangerie pour quémander du pain. On achète des arachides. On remonte vers minuit, 1h. » Témoignage de EB. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

« Le lendemain [le 14 mars], vers 4h, les militaires, environs 25, sont venus pour prendre les gens et les amener à Oujda. Ceux qui pouvaient se sont enfuis, les autres, les malades sont restés. Les militaires les ont sortis des tentes et ont tout brûlé. Ils ont aussi arrêtés certaines personnes. Les malades qui ne pouvaient pas bouger physiquement sont restés, les autres ont été emmenés à Oujda. Parmi les malades, il y avait Clément, il était dehors dans le froid. » Témoignage de N. recueilli le 15/04/2013 par le GADEM.

La campagne en bref La campagne, « N°9 – Stop aux violences aux frontières ! », initiée par l’ALECMA, l’AMDH, le FMAS et le GADEM appelle à la mobilisation du plus grand nombre pour :
-  l’arrêt immédiat de toutes les formes de violences aux frontières autant du côté espagnol que marocain ;
-  l’arrêt immédiat de toutes les formes de violations de droits et d’exactions commises à l’encontre des migrants dans les zones frontières au Nord du Maroc comprenant les violences physiques et morales, la destruction des moyens d’existence (tente, couvertures, etc.), les vols de biens personnels, les confiscations de documents d’identité, etc. ;
-  l’ouverture d’une enquête officielle sur les circonstances de la mort de Clément et celles du décès des autres migrants aux abords des enclaves. Cette campagne dénonce la complicité entre le Maroc et l’Espagne dans la répression contre les migrants, mais elle s’inscrit aussi au lendemain de la signature entre le Maroc et l’Union européenne d’une « déclaration commune sur un partenariat pour la mobilité » (7 juin 2013). Cette déclaration politique a pour but de lancer les discussions avec le Maroc sur les différents aspects de la nouvelle « approche globale des migrations et de la mobilité » impulsée à la suite des récents mouvements populaires survenus en 2011. Les discussions en vue de la signature d’un accord se concentreront sur 4 piliers comprenant la facilitation des visas, la lutte contre les migrations irrégulières et la traite humaine, les accords de réadmission et l’asile. La signature d’un accord de réadmission dans le contexte décrit dans cette note constitue un blanc – seing et laisse entendre que l’Union européenne est décidée à fermer les yeux sur les méthodes mises en œuvre par le Maroc pour contrôler ses frontières, et ne pourrait qu’aboutir à l’aggravation de la situation des migrants au Maroc.

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